Le cadre de l'accompagnement spirituel


ANIMA MEA MERCREDI 20 JANVIER 2021

Peser notre éventuelle acceptation dans la prière: recevoir cette relation d’accompagnement comme une mission. Dans un cadre global où cette mission d’accompagnement m’est donnée par l’Église et non pas par moi-même (un état de vie religieux ou sacerdotal ne suffit pas : par exemple, ce n’est pas parce que je suis prêtre que je suis forcément habilité à être accompagnateur spirituel).

Vérifier notre capacité à dire non : elle est un signe de notre liberté spirituelle, de notre confiance en l’action de Dieu, de notre estime des capacités d’autres personnes que nous. Il ne s’agit pas de dire « non » de façon capricieuse, mais comme une vérification de notre disponibilité réelle et de notre liberté. Attention à la boulimie où l’on risque de dévorer, de se nourrir de la vie des autres... (critère objectif du nombre, de la pondération entre ce ministère et d’autres ministères, du temps pris pour la relecture de ce ministère).

Critères négatifs : qui ne pas accompagner ? toute personne avec qui un autre lien fait que la liberté ne sera pas optimale : quelqu’un de ma famille, quelqu’un avec qui je travaille (que ce soit mon responsable ou mon subordonné), plusieurs membres d’une même famille (parents et enfants, mari et femme : un accompagnateur est différent d’un « référent spirituel »), des personnes ayant entre elles un lien privilégié ou un lien d’autorité (le curé et l’un de ses vicaires ; la supérieure et l’une de ses conseillères). Dans tous ces cas, consciemment ou inconsciemment, on pense à ce que l’autre sait par un autre biais : la liberté n’est pas optimale, et la confidentialité risque aussi de souffrir. (Je laisse de côté la situation particulière de la formation à la vie religieuse, où le formateur est souvent accompagnateur : c’est le cas particulier de la période de formation, et il doit y avoir des éléments complémentaires de cadre pour respecter et garantir la liberté.) De plus, on ne se propose jamais soi-même comme accompagnateur : la démarche doit être initiée par l’engagement libre de la personne qui nous sollicite.

Le cas des fragilités voire maladies psychiques : il est important : d’avoir quelques notions de psychologie, mais on ne joue pas au thérapeute ; de distinguer le psy du spi, et d’être capable de diriger vers un thérapeute ; d’être capable d’entendre un contenu psy, mais ne pas le traiter.

Le cas des personnes ayant connu des situations d’emprise et ayant subi des abus de pouvoir, de conscience ou sexuels, spécialement de la part de personnes en situation de responsabilité dans l’Église ou d’autres traumatismes graves, ayant affecté leur relation à Dieu d’une manière ou d’une autre. Comme toujours mais de manière plus aigüe encore, il importe d’être assez au clair soi-même avec ces questions et avec la façon dont elles nous affectent nous-mêmes, afin de pouvoir écouter jusqu’au bout les personnes et leur souffrance. Si l’on se sent dépassé, il est indispensable d’avoir l’humilité de le reconnaître et de dire à la personne que l’on pense que l’on n’est pas qualifié pour continuer à l’accompagner jusque-là. Attention à ce que cela ne soit pas vécu comme un rejet : dans la mesure du possible, recommander quelqu’un d’autre.

Il peut y avoir aussi des situations heureuses où l’accompagnateur se sent dépassé et incapable d’accompagner jusque-là, par exemple pour ce qui concerne certaines profondeurs de la vie spirituelle ou certaines formes de lexpérience mystique. Là encore, c’est important d’avoir l’humilité de le reconnaître, et de recommander la personne à quelqu’un d’autre. Il vaut mieux arrêter d’accompagner quelqu’un plutôt que de risquer de faire obstacle à l’œuvre de Dieu dans le cœur de cette personne.

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ANIMA MEA MERCREDI 20 JANVIER 2021 4. DE QUOI PARLER ?... OU QUÉCOUTER ?

Tout ce dont la personne accompagnée souhaite parler parce qu’elle estime que cela a à voir avec l’œuvre de Dieu dans sa vie (que ce soit dans sa prière, sa vie professionnelle, sa vie familiale, ses engagements ecclésiaux, etc.) La personne accompagnée doit-elle tout dire à la personne qui l’accompagne ? Plutôt, l’accompagnateur doit être capable d’entendre tout ce que la personne accompagnée souhaite dire. L’ouverture du cœur, la confiance de la personne accompagnée seront notamment à la mesure de la qualité d’écoute de l’accompagnateur.

Voici quelques repères, qui font écho à ce que Sr Anne-Marie Aitken nous a dit le 18 novembre :

La question pour l’accompagnant, n’est pas tant « qu’est-ce que je vais dire ? » que « qu’est- ce que je vais écouter ? comment vais-je écouter ? » :

- veiller à ne pas interrompre la personne, à ne pas finir ses phrases à sa place surtout quand elle hésite veiller à ne pas faire des reformulations qui transforment ou amplifient.

- ne pas avoir peur du silence : « écouter l’Esprit qui travaille en l’autre » (cf. Maurice Zundel).

- toujours écouter (la personne, et l’Esprit en nous) avant de parler, ne pas chercher à donner des réponses ni des solutions : la réponse est dans le cœur de la personne : il s’agit de l’aider à s’orienter vers ce lieu.

Il me semble que l’indication donnée par saint Ignace pour le cas du choix de vie pendant les exercices spirituels, est valable même pour un accompagnement dans la vie ordinaire : l’accompagnateur « ne doit ni pencher, ni incliner d’un côté ou de l’autre ; mais, se tenant en équilibre comme la balance, laisser agir immédiatement le Créateur avec la créature, et la créature avec son Créateur et Seigneur » (S. Ignace de Loyola, Exercices spirituels, 15ème annotation). Nous pouvons aussi entendre l’avertissement vigoureux adressé par saint Jean de la Croix aux accompagnateurs : « Qu’ils prennent garde, ceux qui guident les âmes, et qu’ils tiennent bien compte que, dans cette affaire, le principal agent, le principal guide qui donne élan aux âmes, ce n’est pas eux, mais l’Esprit-Saint qui ne manque jamais de prendre soin d’elles. Eux ne sont que des instruments pour les guider sur le chemin de la perfection par la foi et la loi de Dieu, selon l’esprit que Dieu donne à chacune. Ainsi, que tout leur soin consiste à ne pas plier ces âmes à leur propre manière d’être et de voir, mais à examiner s’ils connaissent le chemin par où Dieu les conduit et, s’ils ne le connaissent pas, à les laisser tranquilles sans les troubler » (S. Jean de la Croix, Vive Flamme d’amour 3, 46).

Pour les accompagnateurs qui sont prêtres : accompagnement et confession ? C’est possible, à la demande expresse de l’accompagné, en distinguant bien le moment où est vécu le sacrement de la réconciliation (le cadre donné par le rituel aide à cela), en ne faisant pas allusion dans l’accompagnement à la confession ni réciproquement, sauf si la personne le fait elle-même.

Accompagnement et amitié? on ne va pas déjeuner ou voir un film avec son accompagnateur : pour la liberté mutuelle, il est important qu’il n’y ait pas des relations de plusieurs ordres qui se superposent.

Le respect absolu de la confidentialité au sujet de tout ce dont parle la personne accompagnée.

fr. Anthony-Joseph Pinelli, ocd (Paris)

 

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